Madame Jasmine Cailler est chargée d’étude Innovation Urbaine & Ville Durable au sein de l’Agence de développement des territoires Nancy Sud-Lorraine : Scalen. Elle nous éclaire sur son métier, son domaine et les qualités pour l’exercer.
Les spécificités d’une Agence d’urbanisme
Scalen est une Agence d’urbanisme ni publique, ni privée qui a pour vocation de conseiller les élus et tous les techniciens des intercommunalités en matière d’action dans la politique sociale, l’urbanisme, l’aménagement… Elle diffère d’un bureau d’étude technique dans les livrables qu’elle produit. En effet, le travail est davantage fait en amont, afin de réaliser des diagnostics, donner des grandes lignes et des recommandations.
Forte de son rattachement et de son ancrage au territoire (40 ans de présence), l’agence en a une connaissance très fine et un grand historique. Cela permet de mener avec expertise des études d’observation, de connaître les mutations du territoire, de le cartographier ainsi que ce qui s’y passe : les modes de vie, les dynamiques…
Une expertise transversale
Dans ce contexte, madame Cailler intervient sur les sujets liés à la ville durable. « Le filtre développement durable est utilisé dans tout ce qui est fait à l’Agence » nous explique-t-elle.
Madame Cailler a donc une lecture transversale des enjeux et problématiques. En effet, il est important
d’avoir une vue globale. Il existe des divergences entre les bonnes volontés et les applications concrètes. Il faut donc trouver un juste équilibre entre tous les sujets (booster l’emploi, préserver la biodiversité, préserver le foncier et bien d’autres éléments…).
Ainsi, afin d’avoir une approche systémique au niveau des autres activités de l’Agence, madame Cailler est amenée à apporter son expertise sur différents dossiers « car pour avoir de vrais impacts, il est important de faire des études pluridisciplinaires » affirme-t-elle.
Deux facettes principales au métier de chargé d’étude Innovation Urbaine & Ville Durable
Le rôle de madame Cailler se partage en 2 grands domaines : le travail de la donnée d’une part et le lien avec les collectivités et la transmission des recommandations d’autre part.
Madame Cailler nous détaille : « La donnée est étudiée, analysée, « moulinée » afin de restituer des informations claires, précises et accessibles. Il s’agit ici d’un véritable travail de prospective sur les sujets CAE : Climat, Air et Energie. »
En étudiant les données mises à disposition par les organismes scientifiques spécialisés, il est possible
de dresser un portrait permettant d’aider à prendre des décisions.
Les propositions qui en découlent sont variées. On pourrait, par exemple, faciliter les changements
de systèmes comme les échanges de chaudières pour les acteurs privés ou encore permettre aux
collectivités de mettre en place des aides aux particuliers pour des actions concrètes comme l’équipement de panneaux solaires…
Une fois qu’elle a fait parler ces données, madame Cailler établit le lien avec les collectivités. Elle leur
présente ainsi les conclusions des études et peut les accompagner avec l’Agence pour aller plus loin.
Pour reprendre l’exemple de la proposition d’incitation à installer des panneaux solaires, il est possible, grâce à la grande connaissance du territoire que possède l’Agence de suggérer les quartiers les plus appropriés pour mettre en place les dispositifs correspondants : quartiers résidentiels, majoritairement constitués de propriétaires, en fonction de l’ensoleillement et de l’exposition…
Quelles compétences pour faire ce métier ?
Pour exercer ce métier et s’y épanouir tout en étant compétent, 4 grandes compétences sont nécessaires :
Savoir : avoir les connaissances techniques sur les sujets liés au développement durable. Des formations existent. Il est également possible de se former sur le tas. Il s’agit de connaissances qui s’acquièrent.
Savoir-faire : manipuler les données et les logiciels de traitement des données. Interpréter ces données
et les mettre en scène. Il est essentiel de savoir comment les raconter, comment présenter un chiffre,
comment restituer une information utile et pertinente qui aura un effet de levier.
Savoir-être : avoir beaucoup de curiosité et savoir dialoguer avec des personnes très diverses, qui évoluent dans des univers différents avec des spécialités différentes (habitants, élus, experts, scientifiques…).
Savoir voir : repérer les choses, les tendances. Il faut maitriser l’art de l’observation, en particulier pour la partie prospective.
L’importance des plus jeunes dans les sujets du développement durable
Pour madame Cailler, la nouvelle génération a un véritable rôle à jouer autour du développement durable. En effet ces sujets montent en puissance depuis 10 ans et tout particulièrement depuis
2017/2018 avec un ensemble d’évènements catalyseurs : la mobilisation étudiante pour le
climat, les épisodes caniculaires…
« Depuis 5 ans, on sent qu’il se passe vraiment quelque chose au niveau des adultes mais sous l’impulsion des plus jeunes. Plus la prise de conscience augmente et plus on se rend compte qu’il faut avoir de nouvelles expertises, des nouveaux métiers. Nous n’avons plus les mêmes besoins, les mêmes préoccupations qu’auparavant. Ainsi, les plus jeunes ont un rôle double à jouer : dans la voie qu’ils choisissent de suivre mais également vis-à-vis de leurs parents. »
Aucune formation n’a directement préparé madame Cailler à son métier actuel. Elle a un parcours large
avec des classes préparatoires littéraires (Khâgne Hypokhâgne), une Maîtrise de droit public et un Master en Sciences Politiques. Mais, grâce à sa curiosité, elle a fait beaucoup de chemin. Ses formations associées aux différentes expériences l’ont menées jusqu’à son métier actuel.
Madame Cailler recommande : « Il est important de prendre conscience qu’il est envisageable de faire
une première formation, puis une réorientation suivie d’une formation continue, etc… Tout est possible.
La voie que l’on prend à la sortie du lycée n’est pas définitive. Elle va permettre de se constituer une base de savoirs, de savoir-faire, des habitudes de travail, une manière d’étudier et d’appréhender les choses et cela sera utile tout au long de sa carrière. Mais le chemin n’est pas nécessairement une ligne droite, il peut être sinueux et ce n’est pas grave, au contraire !
Il faut avoir confiance en soi. Nous avons le droit de tâtonner, de ne pas avoir trouvé LA voie dès le départ. Ce qui est important c’est d’être curieux, rigoureux, de s’ouvrir aux gens, de prendre du recul
et d’être conscient du challenge pour faire bouger les choses… ».